Hier soir, la voiture les ramenait à
la maison. Il devait être deux heures. Elle avait l'impression
d'avoir l'esprit clair, dégagé. Lui, il prenait la claque de
l'alcool en pleine tête, lui montant dans le sang, de partout.
Retour silencieux, pesant. Phase tranchante, dérangeante aussi. Un
peu comme l'atmosphère bancale qui s'était installée à la soirée.
Elle savait déjà qu'elle n'aurait pas dû en parler mais c'était
trop tard. Le sentiment d'exclusion qu'elle avait ressenti s'était
cristallisé sur le comportement pour le moins dissolu qu'il avait eu
ce soir-là. L'avait-il embrassé ? Elle avait tourné la tête
volontairement à ce moment, dans un excès de confiance. Mais elle
voyait bien qu'il essayait d'obtenir satisfaction auprès de cette
fille pour quelque chose. C'est cela qui avait crée le doute. Est-ce
qu'il la voyait le regarder d'un œil noir dans le brouillard de son
action ? Elle n'en savait rien. Une fois remontés à
l'appartement, l'alcool avait pris toute la place. Il la regardait
d'un air fou, bougeait dans tous les recoins de la pièce, tapait les
meubles au passage, les portes, balançant les fringues. Elle ne
pouvait plus rien contrôler alors elle le laissait se dépêtrer
tout seul. De toutes façons, il devait la haïr à cet instant et
elle avait peur que ça dérape. Lorsqu'elle lui avait trouvé du
feu, il lui avait dit que si elle n'était pas contente de son
comportement, elle n'avait qu'à retourner avec son ex et qu'il
fallait qu'elle arrête de le faire chier. Sur ce, il était resté
dans la cuisine et elle est allée se coucher, abasourdie et calmée
de douleur. Elle n'avait quasiment pas dormi, ayant mal au cœur à
cause des effluves d’alcool. Ils ne s'étaient rien dit lorsqu'il
est venu se coucher. Le lendemain, elle était triste de ça, désolée
de voir que c'est si difficile d'être bien à deux. Qu'il y a
toujours des reproches à faire, que l'on ne faisait que passer de
l'un à l'autre comme on superpose des couches à un mille feuille.
Tous les états d'âmes étaient là et l'on passait seulement de
l'un à l'autre. Elle regrettait de lui avoir parlé comme cela, ça
n'avait servi à rien. En rentrant vers l'appartement après une
longue marche silencieuse, ils s'étaient retrouvés devant un magasin de sport. Les
vitrines n'étaient pas encore faites et deux mannequins, un homme et
une femme s'y trouvaient, nus dans l'obscurité. A cet instant, elle
aurait voulu être le mannequin de ce magasin.